"On a tout tenté pendant deux ans", 205 chauves-souris euthanasiées dans un zoo de Montpellier : scandale ou inévitable mesure ?

France 3 Occitanie - 31 juillet 2025
Coralie Pierre et Sébastien Banus

Au zoo de Lunaret à Montpellier, 205 chauves-souris de Seba ont été euthanasiées. Des animaux qui occupaient la serre amazonienne désormais fermée par arrêté préfectoral. L'élue animaliste Eddine Ariztegui, en charge de la question du bien-être animal pour la majorité municipale, a saisi la justice.

"Nous les avons euthanasiés pour mettre fin à la souffrance de ces animaux qui n'avaient pas pu trouver de places ou de lieux adaptés suite à la suppression de la serre". Baptiste, responsable animalier au zoo du Lunaret l'assure, cette décision n'a pas été prise à la légère.

"C'est vraiment qu'on avait épuisé toutes les ressources disponibles et que la souffrance de ces animaux avait duré depuis déjà deux ans". Le responsable animalier qui préfère rester discret, raconte qu'en 2007, lorsque la serre amazonienne a été inaugurée, une colonie de soixante-dix individus y a été implantée. Les chauves-souris se sont alors reproduites dans la serre pendant 16 ans, atteignant le nombre de 850.

La serre a ensuite fermé ses portes en 2021 à cause d'une forte dégradation du bâtiment. "Nous avons été contraints de la fermer suite à une mise en demeure des autorités et gérer les animaux encore présents dedans".

Fermeture par arrêté préfectoral

En effet, une décision de la préfecture, jugeant la serre insalubre et dangereuse pour le personnel, le public et les animaux, exigeait sa fermeture. Les spécimens ont été placés en urgence dans les locaux de la clinique vétérinaire. Mais ce n'était pas adapté à cette espèce-là, encore moins sur du long terme.

"On a tout tenté pendant deux ans, on a essayé de trouver des placements. 190 ont réussi à être placés. Mais 400 sont mortes en raison de locaux inadaptés", déplore Baptiste. "Il y avait une véritable atteinte au bien-être animal, on a éclusé toutes les options", martèle le responsable animalier.

Une mise en liberté impossible

"On a réfléchi à relâcher les animaux mais c'était impossible en France métropolitaine car ce sont des animaux exotiques qui seraient morts en liberté". La Guyane a également refusé d'accueillir ces chauves-souris, consanguines. "Il y avait un risque de pollution génétique et sanitaire qui aurait mis en péril une centaine de milliers d'individus dans la nature". D'autant que l'origine de ces chauves-souris, provenant très certainement d'une colonie d'Allemagne, n'est pas certifiée. La colonie abritait même plusieurs espèces différentes.

Des contraintes confirmées par plusieurs spécialistes des chauves-souris, comme Laurent Arthur, spécialisé dans la protection des chauves-souris européennes. "Cela aurait été une catastrophe de les relâcher en France. Déjà, elles auraient été incapables de survivre en France Métropolitaine, mais elles auraient aussi pu menacer les chauves-souris européennes." Laurent Arthur, spécialisé dans la protection des chauves-souris européennes.

Seule solution pour ces chauves-souris donc, trouver une place dans un autre zoo. "Le problème des chauves-souris Seba c'est que contrairement aux européennes qui dorment une partie de l'année, elles sont en permanence actives et en reproduction. Cela revient cher en soin et en nourriture".

Le paradoxe des zoos qui hébergent des espèces exotiques captives ? "C'est le serpent qui se mord la queue. On veut faire venir du public avec des espèces exotiques, on se retrouve en surnombre et au bout d'un moment, les solutions deviennent complexes".

Des zoos contactés partout dans le monde

Le responsable du Lunaret assure avoir contacté les zoos à travers le monde pour trouver à ces chauves-souris un nouveau refuge, sans succès. "J'ai même envoyé des mails en Australie ou au Japon. Soit les institutions n'avaient pas les capacités de les accueillir ou elles étaient déjà en limite de capacité".

Des recherches avaient également été entreprises par Eddine Ariztegui, du Groupe politique "Choisir l'écologie à Montpellier"', élu délégué au bien-être animal, la régulation et au contrôle sanitaire du parc zoologique, de l'hôpital et de la faune sauvage local pour la majorité municipale. "Il m'avait été proposé à l'époque d'euthanasier ces chauves-souris. Je m'y étais opposé et j'ai moi-même contacté plus de 1.000 institutions dans tous les continents du monde pour trouver des solutions", se souvient Eddine Ariztegui. Des prises de contact qui ont tout de même permis de placer 80 spécimens à Berlin et 50 dans un zoo en France.

"Je ne peux pas fermer les yeux sur ce qui s'est passé"

"J'ai appris que malgré mon opposition, les 200 chauves-souris ont été euthanasiées sans que j'en sois informé". Scandalisé, Eddine Ariztegui a déposé un recours devant le tribunal administratif pour dénoncer cette pratique.

Ce n'est pas du tout étique qu'aujourd'hui on fasse naître des animaux dans un zoo et qu'on les euthanasie par la suite.
Eddine Ariztegui, élu délégué au bien-être animal, à la régulation et au contrôle sanitaire du parc zoologique, de l'hôpital et de la faune sauvage locale.
Eddine Ariztegui assure avoir également demandé la création d'un espace spécifique pour abriter ces chauves-souris le temps de trouver une solution, mais les budgets ont été refusés. Une situation ubuesque puisque l'élu dépose un recours contre sa propre majorité. "Ce que nous avons réalisé à Montpellier en matière de conditions animales est formidable. Pour autant, je reste un élu du Parti Animaliste depuis ces cinq dernières années. Mon devoir c'est de protéger les animaux. Je ne peux pas concevoir de fermer les yeux sur ce qui s'est passé".

Eddine Ariztegui attend désormais qu'un juge tranche cette question. "Aujourd'hui, il reste plus de 200 animaux au zoo de Lunaret. Il pourrait tout à fait leur arriver la même chose", craint l'élu qui qualifie l'euthanasie des 205 chauves-souris "d'euthanasie de complaisance".

"C'est profondément choquant", Jean-Louis Roumégas, député écologiste

"Il s’agit d’un scandale et d’une faute grave : D‘abord parce que le Maire a signé un arrêté ordonnant ce massacre. Comment peut-on signer un tel arrêté sans trembler ? Sans poser des questions ? C’est profondément choquant" a fait savoir par voie de communiqué Jean-Louis Roumégas.

"C’est d’autant plus choquant qu’il y a un adjoint en charge de la question animale qui travaillait à des solutions et que la décision a, semble-t-il, été prise dans son dos. On avait dénoncé cette même méthode pour la gestion des déchets quand le choix d’un incinérateur à CSR a été préparé dans le dos et contre la volonté de François Vasquez. Ou encore pour l’urbanisation de Cambacérès dans le dos de la vice-présidente Coralie Mantion". Il ajoute : "Il n’y avait aucune urgence à agir ni aucun ultimatum de la préfecture".

Le député de la 1ère circonscription de l'Hérault rappelle qu'une délibération municipale a pourtant été prise à l'unanimité en 2024, interdisant l'euthanasie en dehors de raisons sanitaires majeures. Un vote d'ailleurs porté par Eddine Ariztegui qui confie : "J'ai été court-circuité, disons-le clairement". Jean-Louis Roumégas s'interroge également sur la gestion de la serre amazonienne. "Cela signifie que depuis six ans, la municipalité n'a pas géré les problèmes de la serre amazonienne qui comme l'ensemble du zoo, est à l'abandon, au détriment des animaux, des deniers publics et des Montpelliérains qui sont attachés à ce lieu".

Les corps de chauve-souris donnés à la science

"On a fait ça le plus proprement possible, par groupe. Les animaux ont d'abord été anesthésiés avec un gaz puis euthanasié par asphyxie au CO2, elles n'ont rien ressenti". Le zoo assure toutefois que les cadavres ont été valorisés pour que la mort de ces chauves-souris ne soit pas vaine. "On a réussi à réunir une équipe de trente chercheurs internationaux, américains, espagnols et français pour qu'aucun animal ne parte à l'équarrissage". Tous les individus sont partis dans différents laboratoires de recherche à travers le monde. "Ils vont être étudiés pour comprendre le vieillissement cellulaire, la reproduction, etc.".

En dehors des chauves-souris, la serre abritait 300 autres animaux, invertébrés et autres insectes qui ont tous pu être placés dans différentes institutions. "Actuellement, il ne reste plus que les grands fourmiliers dans cette serre. Ils devraient partir avec les tapirs en fin d'année".

La serre quant à elle, devrait être réhabilitée en espace ludique, selon les projets de la municipalité.