Les Verts et la Coordination rurale tentent de déminer la loi Duplomb

La Marseillaise - 2 août 2025
Rémy Cougnenc

Plutôt que de déposer plainte contre le syndicat qui a vandalisé sa permanence, le député Jean-Louis Roumégas a organisé un débat visant à dédiaboliser les positions de chacun, étonnamment pas toujours aux antipodes.

Le dialogue plutôt que la caricature. Tel est le crédo de Jean-Louis Roumégas (EELV). Quelques jours après le saccage de sa permanence parlementaire à Montpellier, prise pour cible par des membres de la Coordination rurale furieux des propos de la députée de Paris Sandrine Rousseau, le député écologiste a tendu la main au syndicat aux « méthodes expéditives », en organisant une conférence de presse débat, lundi 28 juillet au club de la presse.
« On a passé plusieurs heures à nettoyer les œufs et le fumier mais on a préféré discuter des vrais sujets plutôt que de déposer plainte. Je ne me sens pas menacé », justifie d’emblée Jean-Louis Roumégas qui précise ne pas cautionner les mots de son homologue Sandrine Rousseau. Laquelle a déclaré n’en avoir « rien à péter de leur rentabilité [des exploitations agricoles] ». « On ne peut pas entendre ça alors qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours », s’offusque Arnaud Poitrine, éleveur de poules à Cabrières qui vit du RSA depuis deux ans faute de pouvoir tirer un revenu de son métier. « Je comprends que ça ait pu choquer. C’est contre-productif, on cherche justement à sortir des polémiques stériles », assure Jean-Louis Roumégas.

Défense du revenu agricole

Réputée proche de l’extrême droite pour s’afficher souvent aux côtés du RN, la Coordination rurale (CR) se dit dépolitisée dans l’Hérault. « On n’est pas des fachos, c’est du délit de faciès de dire cela. On n’est pas non plus les idiots utiles de la FNSEA », martèle le viticulteur Laurent Crouzet, coprésident de la CR. Le député veut rassurer : « Les écologistes sont les premiers défenseurs du revenu des agriculteurs. On combat les accords de libre-échange type Mercosur, on veut imposer les mêmes normes aux produits importés, y compris ceux de l’Union européenne. Et on souhaite fixer des prix planchers car la grande distribution achète à des prix inférieurs aux coûts de production. » Jean-Louis Roumégas précise qu’« un certain protectionnisme est nécessaire pour notre souveraineté agricole et notre sécurité alimentaire dont on a vu l’utilité pendant la Covid ». Sans oublier « la défense des terres agricoles et des circuits courts », glisse Coralie Mantion, élue écologiste d’opposition à Montpellier.

Sur la lutte contre la concurrence déloyale, le syndicat acquiesce, allant jusqu’à inviter les écologistes au soutien lors de la prochaine action coup de poing à la frontière espagnole. « Il est scandaleux que l’on n’ait même pas le nom du pays d’origine sur les étiquettes de certains produits européens alors qu’en France on peut remonter jusqu’à nos terroirs », résume Arnaud Poitrine.

En revanche, quand il s’agit de s’attaquer au système de la grande distribution et des intermédiaires qui se sucrent sur le dos des paysans, la CR semble toujours aussi réservée. « Instaurer des prix plancher me semble difficile car on n’a pas tous les mêmes prix de production. Prix plancher signifierait prix plafond », tranche l’éleveur.

« Payez-nous le juste prix des produits ! », se contente de lancer de manière incantatoire Christophe Sabatier. Vigneron et éleveur de cochons à Assas, il préfère se focaliser sur la paperasse qui pourrit selon lui la vie des agriculteurs. « On a la réglementation la plus restrictive d’Europe. La Politique agricole commune (PAC), ce sont des papiers et des normes, on n’en veut pas ! » La « simplification administrative », c’est d’ailleurs l’une des trois raisons principales du soutien de la CR à la décriée loi Duplomb. Autre raison invoquée, le besoin d’irrigation, le texte favorisant les projets de retenues d’eau et autorisant les mégabassines. « On ne demande pas de pomper dans les nappes phréatiques mais on veut stocker l’eau qui part à la mer », avance Laurent Crouzet.

« La dose fait le poison ! »

Enfin et surtout, à l’instar de la FNSEA, la Coordination rurale ne veut pas abandonner les pesticides, y compris l’acétamipride, tueuse d’abeilles et dangereuse pour l’Homme mais ré-autorisée par la loi Duplomb. « Il y a une impasse technique et ce produit est utilisé partout en Europe. Si on l’arrête en France, on détruira des filières (betteraves, noisettes) et on importera des produits européens qui en contiennent », estime Laurent Crouzet.

De son côté, Arnaud Poitrine souligne à raison que de nombreux produits utilisés par les particuliers contiennent des néonicotinoïdes. Face à un ancien agriculteur dans son fauteuil roulant, malade d’avoir utilisé de l’arsenic pendant des années avant son interdiction, Laurent Crouzet concède : « Il y a pu avoir des dérives par le passé. Mais la chimie ce n’est pas que du négatif, il existe une chimie positive qui fait partie de notre avenir », dit-il reprochant aux écologistes de « manipuler les peurs ». Il estime qu’en matière de produits phytosanitaires « la dose fait le poison ! ».

Pour avoir travaillé à l’institut de lutte contre le cancer, Jean-Louis Roumégas s’inscrit en faux : « On n’a jamais dit qu’il fallait une agriculture 100% bio en sortant du bio de synthèse. Mais 1 300 chercheurs et l’agence indépendante Anses disent que l’acétamipride est un perturbateur endocrinien dangereux, un polluant éternel disséminé partout. Avec ce produit, la dose ne fait pas le poison », appuie le député ajoutant qu’il existe des produits de substitution « qui doivent être financés s’ils sont plus chers ».

Avant de serrer la main à ses interlocuteurs, le député de l’Hérault réaffirme que « les écologistes et les agriculteurs ne doivent pas être des ennemis. Cela ne rend service à aucun des deux et entretient le système qui profite à l’agro-business ». De son côté, Arnaud Poitrine espère désormais « moins d’écologie punitive, plus de bon sens paysan et écologiste ».

Si les principales divergences de fond et certains a priori persistent, l’exercice aura permis de placer les arguments de chacun devant la contradiction et de nourrir la réflexion pour l’avenir.