Débat autour de la loi Duplomb à Montpellier : "Les écolos sont les meilleurs défenseurs des agriculteurs"

Inès Le Roch
Ce 28 juillet matin au club de presse à Montpellier un débat a été organisé entre deux élus écologistes, Jean-Louis Roumégas et Coralie Mantion, et trois membres de la Coordination Rurale de l’Hérault (CR34), Laurent Crouzet co-président, Christophe Sabatier et Arnaud Poitrine. Alors que la loi Duplomb attise les tensions entre agriculture, écologie et santé publique, ce rassemblement a rouvert le débat entre les deux camps pour imaginer des solutions.
Votée le 8 juillet à l’Assemblée nationale, la loi Duplomb n’en finit pas de faire parler. Après l’acte de vandalisme de sa permanence, le député écologiste Jean-Louis Roumégas avait invité des membres de la Coordination rurale 34 à débattre autour de ce sujet. Laurent Crouzet co-président, Christophe Sabatier et Arnaud Poitrine avaient répondu présents. "Oeufs jetés, fumier et même un estomac de sanglier rempli de raisins, j’ai passé deux heures à nettoyer", a-t-il expliqué en préambule mais sans animosité, conscient d’être face à une "colère" liée à une "vraie souffrance dans le monde agricole".
Des déclarations, comme celles de Sandrine Rousseau qui disait "n’en avoir rien à péter des revenus des agriculteurs", ont ravivé la polémique. "Moi je suis au RSA, je ne tire plus de revenus. Ces propos me mettent hors de moi", lâche Arnaud Poitrine. "Ils n’engagent qu’elle", tempère Roumégas, reconnaissant que ces mots ont été "contre-productifs" et ont provoqué un débat interne chez les écologistes.
Une loi symptomatique d’un modèle agricole en crise
Malgré tout, ce 28 juillet au club de la presse, le débat s’est voulu constructif. "On nous reproche de vouloir utiliser l’acétamipride, alors que des produits similaires se retrouvent dans des diffuseurs domestiques ou des pipettes pour animaux", plaide Arnaud Poitrine.
Portée par des sénateurs LR et centristes, la loi Duplomb vise à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur", notamment via la réintroduction de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Elle est surtout réclamée par les producteurs de betteraves et de noisettes qui estiment ne pas avoir d’alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale de la part des autres pays d’Europe.
Pour les écologistes, cette loi correspond à une vision productiviste, sans avancées sociales. Elle incarne le retour en force d’un modèle d’agriculture intensive que dénoncent de nombreuses associations environnementales. Pourtant, les membres de la CR34 se disent eux aussi "concernés par l’écologie", dénonçant l’inefficacité et le coût élevé des substituts actuels. Ils valident une loi qui "répond à des demandes urgentes, notamment pour le stockage de l’eau" en référence aux méga bassines.
Des points d’accord mais une souveraineté alimentaire "encore loin"
Au-delà de la loi Duplomb, c’est la question de la souveraineté alimentaire qui a mis d’accord les deux camps. "On en est loin", regrette Christophe Sabatier, évoquant la concurrence féroce avec d’autres pays. La Politique Agricole Commune (PAC), représentant plus d’un tiers du budget européen, est également dans le viseur. Si selon les deux élus écologistes il faut fixer un prix plancher et renforcer les mesures protectionnistes, les agriculteurs disent "vouloir vivre de leur travail."
La discussion a toutefois permis d’identifier plusieurs pistes de convergence. Tous se sont dit favorables à une politique foncière visant à préserver les terres agricoles menacées par l’urbanisation.
"Il faut remettre ces terres à disposition des circuits courts", insiste Coralie Mantion.
Les écologistes évoquent également une reprise de la dette agricole et un juste prix payé à la production.
"Les écolos sont les meilleurs défenseurs des agriculteurs"
Colère et mobilisation massive : une réponse politique attendue
Ce climat n’empêche pas l’expression d’une colère profonde, incarnée par Charles Morin, ancien agriculteur devenu handicapé après des années d’exposition aux pesticides. Présent lors du débat, il se dit "malade à cause de sa passion depuis plus de 20 ans". Lui aussi a signé la pétition contre la loi Duplomb, qui a dépassé les 2 millions de signatures, un chiffre probablement sous-estimé, tant le service est saturé.
Que va-t-il se passer à présent ?
Ce lundi 28 juillet, la pétition à l’initiative d’Eleonore Pattery contre la loi Duplomb franchit la barre des deux millions de signatures.
Le seuil significatif des 500 000 signatures ayant été largement dépassé, un débat en séance publique à l’Assemblée nationale peut avoir lieu. Plusieurs groupes parlementaires de gauche annoncent leur intention de demander l’organisation de ce débat lors de la réunion de la Confédération des présidents de l’Assemblée Nationale du 16 septembre 2025.
En parallèle, plusieurs députés et sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel les 11, 15 et 18 juillet au titre de l’article 61 et la Constitution. Celui-ci doit rendre sa décision le 7 août. De son côté, l’exécutif reste poussif. Emmanuel Macron attend la décision des sages pour s’exprimer sur la question.
Plusieurs suites sont possibles.
- Le président peut promulguer la loi ou demander une seconde délibération au Parlement si celle-ci apparait comme conforme à la Constitution.
- La loi peut être partiellement ou complètement censurée si ses dispositions sont déclarées inapplicables.
- Une proposition de loi ultérieure peut être proposée pour abroger ou amender la loi, sachant que la pétition n’a pas de pouvoir contraignant juridique.